Un regard d’ensemble sur cette œuvre permet de voir un ordonnancement rigoureux en trois espaces.
En arrière-plan, adossés au mur, trois couples. Au milieu, Marie et Jean, taillés dans la même pierre. A gauche, deux femmes avec leur vas de parfums. A droite un homme et une femme.
Dans l’espace du milieu, le gisant du Christ avec les deux ensevelisseurs, l’un portant la couronne d’épines, l’autre le linceul.
Au premier plan, le tombeau, avec la tête de mort, la tenture, la frise en feuilles de chêne et le nom des commanditaires.
Cette œuvre sert bien l’illustration de notre ouvrage « La légende de la vie autour de la mort ».
Au premier plan est la mort, avec ce crâne caverneux. Sans regard, il frappe le regard. Sa présence nous remémore le lieu où fut plantée la croix, au lieu-dit Golgotha, qui se traduit crâne. Bordant le tombeau, la frise en feuilles de chêne, emblème des gloires caduques, et le nom de notables de l’époque. Point de passage obligé, incontournable, la mort n’est pourtant pas le dernier mot. Il y a ici autre chose à lire.
L’artiste, sur le linceul, a signé de son prénom, Anthoine. Le prénom c’est ce qui donne au nom sa particularité et sa singularité dans une famille. Indication discrète de l’artiste pour signaler qu’il entre avec nous dans la confidentialité de ce qu’il a cherché exprimer … Comme s’il avait conscience que son œuvre franchirait la mort, même si son nom était perdu. Indice de l’humaine paternité.
Dans l’espace du milieu le gisant du Christ est empreint d’une grande dignité, la barbe et le cheveu soignés, le corps souple, la main droite reposant le long du corps, celle de gauche ouverte comme en attente.
La couronne d’épines, marque de dérision de la royauté du Christ, est dans les mains de Joseph (ou de Nicodème ?) dont on sent dans l’attitude et le visage la volonté d’enlever cette griffe, signe d’ignominie contrastant avec la frise en feuilles de chêne au premier plan.
Le caractère de grande dignité dont cette œuvre est empreinte est ainsi souligné.
A l’autre extrémité, Joseph (ou Nicodème ?) est prêt à accomplir son travail d’ensevelisseur, mais il marque une pause, comme s’il attendait un ordre.
Alignés le long du mur au troisième plan, trois couples (photo du dessous). Celui des deux femmes à gauche, est en attente du travail d’embaumement. Les vases sont fermés. Leur expression marque une grande réserve même si l’une essuie une larme. Elles sont aussi en position d’attente. Au milieu, Marie et Jean, taillés dans la même pierre, ont le visage marqué d’une douleur contenue. Leurs regards sont fixés sur la tête du gisant. Ils vivent intensément l’événement de la mort, mais avec retenue. La main droite de Jean, entourant l’épaule de Marie, et l’autre lui soutenant le coude, expriment une grande compassion, tandis que les mains croisées de Marie disent son impuissance. Jean et Marie ont pris en compte la parole de Jésus en croix « Femme, voici ton fils » et à Jean « Voici ta mère ».
La femme et l’homme à droite au pied du gisant inscrivent une nouvelle étape dans l’expression de l’inachevé qui marque cette œuvre. Il est heureux que l’on ne sache trop les nommer. C’est l’humanité dans sa double figuration masculine et féminine qui est posée là. La femme, les mains sur les bras, les doigts ouverts, n’est pas crispée sur sa douleur. Les paupières à demi-baissées, elle donne l’impression de se souvenir, de se remémorer une parole vivante qui résonne en elle. La tête légèrement penchée renforce encore ce sentiment de profonde intériorité.
L’homme à côté d’elle, la main droite sur le cœur, l’autre main tenant le manteau d’une façon très souple, a les yeux ouverts, comme s’il voyait l’invisible. Il a comme un choc au cœur. Tout ici suggère, souligne, sans insister. Une œuvre d’une grande réserve et dignité.