Souvenir

 

Pierre Chamard-Bois, un accompagnateur sur le chemin des Ecritures

Pierre Chamard-Bois nous a quittés, à l’âge de 67 ans, au terme d’un long et douloureux chemin ; le lundi 8 avril, il s’est éteint pour monter vers la Lumière,  à l’aurore profonde, à l’heure où les femmes se rendent au sépulcre de Jésus et font l’expérience de la présence du Vivant.

Pierre naît le 20 juillet 1951 à Besançon puis passe son enfance dans une petite ville de mineurs de la Nièvre. Il a dix ans quand la famille part s’installer à Rennes où il poursuit ses études secondaires.

Après des études d’ingénieur à l’Ecole Centrale de Châtenay-Malabry où il fait partie du bureau du MCGE (Mouvement des Chrétiens en Grandes Ecoles, animé par des Jésuites), et ses sessions de Sardières, il rejoint les GFU où il fait connaissance avec la Mission de France. Il participe à des sessions (Bassac, Solignac…).

Porté par l’effervescence des années 70, il s’engage comme fraiseur en usine au Blanc-Mesnil dans la région parisienne ; il y découvre la solidarité du monde ouvrier.

Sa rencontre avec Muriel, musicienne, le décide à la rejoindre à Brest ; c’est là que naîtra, en 1980, leur fils Jean-Sébastien.

A Brest, Pierre commence par se former au métier d’ajusteur qu’il exercera quelque temps avant d’être sollicité pour enseigner les mathématiques en lycée. L’engagement professionnel le plus important pour lui, ce sera comme formateur en informatique, pour adultes au GRETA. Travailler dans un tel cadre correspondait vraiment à sa vocation et à ses compétences de formateur : permettre aux stagiaires de développer leurs aptitudes afin de devenir autonomes. Il a aussi travaillé au Conservatoire botanique de Brest, à l’informatisation des données liées aux plantes rares ; cela répondait à son souci de militer pour une écologie au service du bien commun des humains.

Ses engagements étaient nombreux, mais toujours dans le désir de créer des espaces de dialogue et de partage dans la différence, comme par exemple, au sein de l’association « Cultures et religions en dialogue ». 

Elevé dans un milieu catholique, Pierre n’a jamais cessé de questionner la démarche de foi, le rôle de l’institution ecclésiale, de chercher une posture juste des disciples du Christ, dans une société sécularisée. 

Son engagement au sein de la Communauté Mission de France aura été déterminant pour lui.

En 1974, il s’investit à l’aumônerie des étudiants de Brest, sous la houlette d’André Goumelen, le prêtre bibliste qui avait suivi une année d’études au CADIR de Lyon et c’est là qu’il participe à un atelier : « Lecture sémiotique de la Bible ». Avec Claude Chapalain, chargé de l’aumônerie du lycée de Landerneau, il pratique la lecture sémiotique de la Bible mise à portée des élèves. 

Claude et Pierre sont les fondateurs de l’association Ars’B (Atelier de Recherche Sémiotique de la Bible) ; ils ne cesseront de cheminer ensemble dans la lecture de la Bible. Les rencontres mensuelles du dimanche après-midi à Commana, où Claude était curé, ont permis à un groupe de « fidèles » de se retrouver pour lire un passage de la Bible ; la méthode structurale, le fameux

« carré sémiotique » avaient pourtant de quoi en rebuter plus d’un ! Mais ce qui se vivait d’essentiel déjà, c’était la relation fraternelle.  A la lecture de la Bible s’est ajoutée aussi la « lecture » d’œuvres du patrimoine religieux, lecture initiée en 1988 par Claude qui a commencé par commenter les retables de l’église de Commana. D’autres œuvres des enclos paroissiaux ont fait l’objet par la suite d’ouvrages, présentant la lecture de calvaires, de jubé, de vitraux (Guimiliau, Lampaul-Gumiliau, la RocheMaurice…). Il en reste des traces dans des livres qui ont été publiés aux éditions « Ouest-France ». La

vente de ces ouvrages a permis à  l’Association  de  l’Ars’B de Claude et Pierre, 2009 bénéficier d’un budget confortable. 

De Commana, le groupe de lecture a émigré à Créach-Balbé en Saint-Urbain, puis à St Jacques de Guiclan, passant du dimanche au samedi après midi.

L’association a organisé chaque été des sessions de lecture de la Bible, à Lizio (56), à Commana, à Landévennec, puis à St Jacques de Guiclan.

Dans le même temps avaient lieu des sessions nationales de lecture sémiotique de la Bible, la première organisée par le CADIR (Centre d’Analyse du Discours Religieux) de Lyon, en 1984 ; d’autres ont suivi, en province, et même à Brest (sur l’Apocalypse, par exemple ou le Serviteur souffrant, le Cantique des cantiques…), et la dernière à Saint-Malo, en l’an 2000. Elles réunissaient des « grands noms » de cette méthode de lecture structurale de la Bible, autour de Jean Calloud, le maître révéré, de Jean Delorme, François Genuyt, Jean-Claude Giroud, Louis Panier et François Martin, décédé peu après la session de St Malo. 

Pierre a travaillé à la transformation de l’Ars’B qui a cédé la place à l’Association « Bible et Lecture Bretagne ». Celle-ci privilégie la lecture figurative des Ecritures. Cette nouvelle association est en réseau avec d’autres associations « Bible et Lecture ».

Une session d’été 2012

Dans tout ce parcours, Pierre a été, avec Claude, la cheville ouvrière : leur binôme, qui manifestait une belle synergie avec d’amusants tiraillements, a été le ciment de toute cette aventure, qui a aussi investi les ondes de RCF, par l’émission « La Bible à plusieurs voix » qui perdure.

Au cœur de la vie de Pierre, la passion qui a rempli son existence aura été de faire que l’Ecriture devienne Parole vivante, de cheminer dans le jardin des Ecritures avec d’autres ;  il a mis en place différents groupes de lecture de la Bible, devenant ainsi l’accompagnateur de l’ouverture à la Parole de vie. Nous pouvons citer, sans que la liste soit exhaustive : les « Rendez-vous de la

Bible » de Guiclan, « A Bible ouverte » à Brest, le groupe de Lamballe/St Brieuc, les maisons d’Evangile à Plouarzel, les groupes de Plouay, de Marly-le Roi, de Landerneau, de Lannion… les week-ends de « Bible et écriture » avec Gersende à Lannion, les sessions de Saint-Jacut… 

Nombreux sont celles et ceux qui auront croisé avec bonheur et fécondité  la route de l’homme à la pipe, avec son sourire bienveillant, la grande sollicitude qui était la sienne, à l’écoute de cela ou de Celui qui cherche à se dire au plus intime ; en témoin de la Source, il désirait tant qu’elle puisse jaillir au cœur de chacun(e) dans la rencontre fraternelle. Ce qui lui tenait à cœur : que d’autres accompagnateurs de la lecture biblique se lèvent pour reprendre le flambeau !

Les dernières années, il a consacré tout son temps et toutes ses forces à lire la Bible avec d’autres. Au fur et à mesure que la maladie progressait, il sentait l’urgence d’œuvrer encore et toujours pour ouvrir au plus grand nombre le trésor des Ecritures, privilégiant l’approche figurative. L’avenir de l’Eglise était là, il en était convaincu.

Jusqu’au bout, il aura « déposé sa vie », et le dernier chemin, il aura eu à le parcourir courageusement, en « serviteur souffrant ».

Que grâce soit rendue pour la belle vie de ce « frère en Christ » !

                                                                Malou le Bars, pour l’association Bible & Lecture Bretagne.